Abstract :
[fr] A partir des données collectées par enquêtes dans les centres urbains de la Province du Sud-
Kivu auprès de 207 ménages, 15 restaurants, la Bralima, 4 écoles, 2 prisons et 3 hôpitaux, les
interviews et l’enchère expérimentale les principaux résultats sont les suivants :
Le riz fait partie des aliments de base les plus consommés dans les ménages et collectivités
mais aussi une matière première cruciale pour la Bralima. Malheureusement pour le riz local,
le riz importé inonde le marché et reste plus préféré principalement pour la consommation
domestique. Cette préférence du riz importé se justifie par la mauvaise qualité du riz local
notamment les impuretés, les brisures, le manque de traçabilité par un emballage pouvant
renseigner sur l’origine et les autres informations nutritionnelles, le manque d’informations et
sa rareté sur le marché (particulièrement à Bukavu), ce qui expliquerait le résultat selon lequel
72% des ménages de Bukavu n’ont jamais consommé du riz de la plaine de la Ruzizi. Le
public a donc une mauvaise perception du riz local et particulièrement celui de la plaine de la
Ruzizi et, malheureusement, ces types d’informations restent informels car de bouche à
oreille. Pour certains, le riz local présente trop d’impuretés qui exigent lors de la cuisson de
consacrer beaucoup de temps au traitement.
Pour d’autres consommateurs, ce riz a un mauvais goût, il est difficile à cuire, il n’a pas
d’arôme, il a de taux de brisures élevés, il est rare sur le marché, mais en pire, il est un riz
nocif à la santé et dans le langage vulgaire, il est appelé « muchele ya projet » c.-à-d dont les
semences sont obtenues après modification génétique, l’usage non contrôlé des produits
chimiques. Sur le marché les consommateurs se méfient des déclarations et publicité des
vendeurs du riz local car, n’ayant pas d’emballage approprié, les vendeurs le mélangent avec
d’autres types de riz (importés) pour tromper et influencer les préférences des
consommateurs, ce qui discrédite le riz local. Cependant, pour un nombre réduit des
consommateurs, le riz de la plaine a un bon goût, il a un bon arôme, il est gonflant, il ne colle
pas, il est à l’état naturel et frais.
Par ailleurs, le contact avec ce riz, le voir et le déguster, donne une image tout à fait contraire
à ces perceptions négatives. Nous l’avons constaté lors de l’enchère expérimentale, car les
qualités du riz local après la cuisson ont modifié les perceptions des consommateurs, car la
dégustation a visiblement modifié les valeurs initiales des participants accordant une plusvalue
au riz A de 85.7FC, au riz B de 107,2FC et au riz C de 32.2FC. A qualités intrinsèques
et extrinsèques égales, les préférences des consommateurs sont fonction de l’origine : ils
préféreraient le riz local que le riz importé et le riz local de bonne qualité l’emporte sur le riz
importé.
Trois facteurs majeurs influencent le WTP des consommateurs à savoir : la présentation, les
attributs de qualité après la cuisson et l’origine. Nous l’avons constaté par les résultats de
l’expérimentation qui révèlent qu’avant dégustation et sur base de la présentation du riz, à
prix égal, seulement 11,1% des consommateurs préféreraient local que le riz importé. Après la
60
cuisson et la dégustation, on observe une sensible modification des préférences des
consommateurs, car maintenant 50% préféreraient le riz local. En plus de ces deux
caractéristiques, l’origine influence sensiblement les consommateurs, car quand l’origine de
chaque type de riz a été révélée, 85,7% des consommateurs préféreraient désormais le riz
local.
A partir des données collectées, la demande urbaine en riz s’évalue à 46 443tonnes. Or, la
production locale ne couvre que 21,6% de cette demande. Ces résultats renseignent sur des
très grandes opportunités pour le marché du riz local, si ce riz répondait aux attentes des
consommateurs en respectant les attributs de qualité (arôme, goût, pureté, gonflant et
calibrage des graines). Il s’avère donc que « le consommer local » est un faux débat au Sud-
Kivu. Les consommateurs consomment local, mais ils deviennent de plus en plus exigeants
par rapport à la qualité du produit. Ils continueront à consommer local si le produit offert est
bien présenté dans un bon emballage avec des indications des traçabilités, s’il reste compétitif
par rapport à sa qualité et au prix, si son accès physique est garantie (c’est-à-dire sa
disponibilité dans le temps).
Face à l’état actuel du marché du riz local, plusieurs stratégies peuvent être envisagées en
amont et en aval. En amont, il est indispensable d’améliorer la qualité de la transformation par
l’usage des décortiqueuses modernes et de moderniser le conditionnement du produit. En
aval, le grand défi à relever est de faire connaissance le riz local aux consommateurs à travers
les actions publicitaires (médias radiotélévisés, affiche et magasines, cinéma et sketch, ect.),
les foires agricoles pour les échanges et partenariats commerciaux, la création des boutiques
spécialisées ou point de vente, la mise en place de système de restaurants ( ou restaurant-bar)
de terroir, l’organisation saisonnière des villages de vente ou marché du paysan, la bourse du
riz, la création et formalisation des marché avec le pouvoir public (approvisionnement de
l’armée, police, fonctionnaires publics, ect.) et, finalement, le développement d’une
agriculture contractuelle de proximité. Mais toutes ces stratégies s’accompagnent par un
système informatif efficace. Ainsi, nous proposons une forme d’observatoire de prix du riz
capable de fournir des informations sur l’évolution du prix des intrants en amont et du prix du
paddy et du riz blanc en aval.